Lundi dernier, le gouvernement français déclarait renoncer à autoriser par dérogation les néonicotinoïdes pour protéger les semences de betteraves sucrières, se pliant à une décision de la justice européenne. Depuis, l'ensemble de la filière (producteurs, syndicat, sucriers...) se mobilise, en attendant le détail du plan d'accompagnement annoncé par Marc Fesneau.

Champ de betteraves sucrièresLundi 23 janvier 2023, Marc Fesneau, ministre de l'agriculture, a annoncé que le gouvernement ne proposerait pas une troisième annonce de dérogation des néonicotinoïdes sur l'enrobage des semences de betteraves, suite à la décision de la Cour de justice européenne. (©Terre-net Média)

Agriculteur en Seine-et-Marne, Guillaume Lefort se dit « très déçu et inquiet de cette décision », se remémorant les 16 t/ha de rendement moyen en betteraves sucrières lors de la campagne 2020, sur la partie non-irriguée de son exploitation. « Pour la surface irriguée, il a manqué aussi près de 40 t/ha, note l'agriculteur. Et les indemnisations reçues n'ont pas couvert complètement toutes les pertes engendrées ». « Jaunisse, sécheresse, gel... cela fait plusieurs années difficiles à la suite. On avait un espoir que la campagne 2023 redynamise la filière, avec des prix plus rémunérateurs... »

?? Interdiction des néonicotinoïdes : en France, la filière du sucre en danger ?Décryptage dans l'édito de #PatrickCohen ??#CàVous pic.twitter.com/vYjjT8XVEd

— C à vous (@cavousf5) January 24, 2023

Pour les semis à venir, Guillaume Lefort confirme toutefois maintenir la surface de betteraves sucrières prévue sur son exploitation afin de « respecter les engagements de production pris il y a quelques temps » auprès de ses deux sucriers. De plus, son assolement est « déjà calé et assez diversifié (maïs, tournesol, blé, orge, colza, betterave, plantes aromatiques…) ». Mais « 2023 sera une année charnière » selon le planteur. Si c'est une mauvaise récolte, il pense réduire la sole dédiée aux betteraves car un tiers de sa production est en contrat annuel. Au risque jaunisse, s'ajoutent cette année, « un très faible quota d'irrigation et le contexte actuel des prix de l'électricité ». « On ne peut pas se permettre de produire à perte », rappelle l'agriculteur. 

Dans un sondage lancé sur Terre-net entre le 24 et le 27 janvier 2023, les producteurs témoignent également leur mécontentement : 

« Stopper les distorsions de concurrence »

Lors de sa réélection à la présidence de la CGB, Franck Sander, avec le conseil d'administration, a alors réitéré « la demande de soutien au gouvernement. Les planteurs attendent, le plus rapidement possible, le détail du plan d'accompagnement annoncé par Marc Fesneau, avec la garantie de compenser intégralement les pertes en cas de jaunisse et de stopper les distorsions de concurrence ». « Le gouvernement est en train de "désarmer l'agriculture française et cela va à l'encontre de la souveraineté alimentaire et énergétique" », observe Guillaume Lefort.

[ #CP_CGB] Franck Sander, réélu Président de la CGB https://t.co/e7D1Zpgmdn pic.twitter.com/o81B8iK12u

— CGB (@CGB_FR) January 26, 2023

L'Angleterre approuve l'utilisation des néo nicotinoïdes sur les semences de #betteraves dixit l'article : la décision n'a pas été prise à la légère et était basée sur une évaluation scientifique approfondie et rigoureuse." @GuyotVincent02 @agritof80 https://t.co/JP9JBkb6Z3

— Philippe Pluquet (@PpluquetPluquet) January 24, 2023

« Dans ce cas exceptionnel, en l'absence de solutions techniques efficaces et sans aucune autre option aujourd'hui, un planteur doit avoir l'assurance d'une compensation financière de l'intégralité des pertes qui seraient dues à la jaunisse, sans franchise, ni plafonnement », précise Franck Sander. Une demande notamment relayée par Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France dans un courrier envoyé le 26 janvier au ministre de l'agriculture. « Concernant la recherche, il est évident qu'à la suite de cette décision, un renforcement du programme de recherche de solutions alternatives est nécessaire, en particulier des projets relatifs à l'obtention de variétés résistantes », a-t-il ajouté.

La génétique parmi les leviers attendus

La génétique constitue, en effet, l'une des alternatives majeures face à la jaunisse. Deleplanque a notamment annoncé le 27 janvier l'arrivée de 5 nouvelles variétés dans sa gamme "VitalY". Elles présentent « des résultats probants face aux 3 virus (BMYV, BchV et BYV) et une capacité à sécuriser le rendement à hauteur de 85 % en situation extrême d'inoculation artificielle, soit potentiellement 90 % en situation de jaunisse modérée », selon le semencier. « Ces variétés seront testées en post-inscription ce printemps. [...] Le groupe Deleplanque maintient, ainsi, son objectif de proposer à court terme un portefeuille variétal betteraves constitué à 90 % de variétés tolérantes » À noter : « Si la tolérance variétale constitue une sécurité majeure, elle ne dispense pas d'observations en végétation : c'est bien la combinaison des leviers accessibles qui permet d'optimiser le résultat », souligne le semencier. 

En attendant, Guillaume Lefort précise aussi fonder de l'espoir en « les outils de modélisation pour prévenir l'arrivée des pucerons afin d'intervenir au bon moment et avec une solution phytosanitaire efficace ». « Les équipes agronomiques préparent d'ores et déjà des plans d'interventions adaptés à chaque région, en tirant parti des situations observées lors de la campagne 2020 », indique Cristal Union dans un communiqué du 27 janvier. 

Salut salut !! ??j'ai LA solution pour remplacer les fameux #neonicotinoides qui luttent contre les pucerons de la betterave @_MissBetter , vecteurs de jaunisse...??????@MFesneau @EmmanuelMacron @BrunoLeMaire @MacLesggy @virginie_garin @GeWoessner @pascalperri @emma_ducros pic.twitter.com/7RPK0tTZzu

— Bruno ??Salut Salut (@BruCardot) January 27, 2023

« Nous continuons de contribuer activement à la recherche pour identifier des solutions de lutte efficaces contre les virus de la jaunisse », précisent les équipes de la coopérative, qui ont également annoncé « un objectif de prix de 45 € la t de betteraves à 16° » pour la campagne 2023. Enfin, la CGB a appelé les planteurs « à attendre le plan d'accompagnement annoncé par le gouvernement avant de prendre des décisions hâtives pour leurs assolements et à faire leurs choix en connaissance de cause. »

[Communiqué] ??45 € la tonne de betteraves à 16° pour 2023. Cristal Union relève son objectif de prix pour la prochaine campagne. https://t.co/uEiW84XHmP pic.twitter.com/mBYXhbyxH9

— Cristal Union (@Cristal_Union) January 27, 2023